L’Eucharistie dans le premier Testament

ca. 1990-1997 --- An illustration of a scene from Exodus Chapter 16 in the Bible in which the Hebrews are starving in the desert and God sends down manna from heaven to feed them. --- Image by © Historical Picture Archive/CORBIS
ca. 1990-1997 — An illustration of a scene from Exodus Chapter 16 in the Bible in which the Hebrews are starving in the desert and God sends down manna from heaven to feed them. — Image by © Historical Picture Archive/CORBIS

J’aimerais vous présenter une sorte de mystère historique.

Les tout premiers chrétiens adoptent facilement l’idée que Jésus nous donne son Corps et son Sang à manger.

Par ex., St Paul, pharisien de formation dit dans 1 Co 10,16 : le pain que nous mangeons n’est-ce pas le corps du christ, le vin que nous buvons n’est-il pas le sang du Christ ?. C’est adopté universellement, sans discussion.

Quel est le problème ? Ces premiers chrétiens étaient juifs. Et Lévitique (17,14) contient une prohibition très forte : « Vous ne mangerez le sang d’aucune chair. »

Or nous verrons que c’est précisément à cause de leur foi juive qu’ils ont accepté la présence réelle, à cause de leurs attentes quant au messie.

En acceptant le Christ comme le messie, le corolaire naturel pour les juifs était d’accepter que l’Eucharistie est le corps et le sang, l’âme et la divinité de Jésus.

Voilà la thèse fondamentale de tout cet enseignement : que l’Eucharistie est un accomplissement de la foi juive, une prolongation logique et naturel. Quelque chose qui a semblé cohérent aux premiers juifs chrétiens.

Pour comprendre : explorons 3 points particuliers dans la pratique et la croyance juive :

  1. La pâque Juive
  2. La manne que Dieu a donnée au peuple juif dans le désert
  3. Les « pains de propriation » ou de présence, qui étaient gardés dans le tabernacle de Moise et puis le temple de Salomon.

Et c’est en comprenant les aspirations juives quand à ces 3 points qu’on peut comprendre ce mystère historique.

 I. La pâque juive

Et on va commencer sur la question des attentes juives quand au messie. Pour vous, quel type de messie les juifs attendaient-ils ? Réponse classique : Un libérateur, un messie terrestre, politique.

Et il est vrai que Jésus a été rejeté par certains parce qu’ils attendaient un libérateur politique. Ils étaient sous le joug de l’empire romain, ils attendaient qu’on vienne les en libérer. C’était une attente valable. Typiquement, les Zélotes étaient une faction juive qui attendait ce genre de messie. C’est donc partiellement vrai.

Mais la plupart des juifs, les gens ordinaires, ceux qui connaissaient leur Bible, attendaient quelque chose de plus grand. S’il fallait exprimer leurs attentes en un seul concept, ce serait celui-ci : Ils attendaient un nouvel exode. Deut 18 :15-18 (Moïse : «  Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai.)

Ils attendaient que Dieu les sauve comme il les avait sauvé d’Egypte. Tous les prophètes montrent comment Dieu, quand il enverra son messie, réitèrerait les évènements d’Egypte.

Histoire de la pâque juive : 12 tribus, Dieu envoie Moïse, les 10 plaies d’Egypte, la dernière qui est la Pâque, la traversée de la mer rouge, 40 ans dans le désert, et ils terminent dans la terre promise qui est leur destination.

Cet histoire-là pose la fondation pour ce que Dieu va faire avec le messie, selon les prophètes. Ils attendaient tout un faisceau de choses, avec une dimension largement spirituelles :

 

Moïse Le messie
12 tribus délivrés de l’esclavage Juifs et gentils délivrés de l’esclavage du péché
Voyage de 40 ans vers la terre promise Nouveau voyage vers une nouvelle terre promise : un Nouvel Eden
Tabernacle comme lieu du culte à Dieu => temple Nouveau Temple, plus glorieux
Destination : Jérusalem Nouvelle Jérusalem, nouvelle création (Isaïe)

 

Qui dit un nouvel exode, dit une nouvelle pâque. Regardons l’AT. Cf. Exode 12

Dieu ordonne :

  • Chaque père agissait comme prêtre
  • Offre un sacrifice d’un agneau sans tâche d’un an
  • Trancher la gorge, verser le sang dans un bol, comme offrande sacrificielle
  • Prend une branche d’hysope, et badigeonner les montants et le linteau de la porte, comme signe de l’alliance, comme signe pour que l’ange de la mort épargne le premier né
  • A la fin du rituel il fallait manger la chair de l’Agneau. C’était le comble, le sommet du sacrifice. /!\ Nécessaire

Mais il y a aussi une tradition orale juive, qui décrit la cérémonie, la liturgie s’est développée.

Enfant : En quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? Pourquoi mange-t-on du pain sans levain et de l’agneau rôti ?

Alors le père raconte le récit de la Pâque :

En ce jour-là, vous expliquerez à vos enfants la signification de cette fête en disant: «Tout cela je le fais en mémoire de ce que l’Eternel a fait pour moi quand je suis sorti d’Egypte.» (Exode 13,8)

Ce n’est pas un souvenir d’une pâque ancienne, je vis la pâque comme si j’étais sorti d’Egypte. « pour moi ». Chacun disait « c’est pour moi », c’est moi qui suis sorti d’Egypte.

Le repas et la liturgie de la Pâque étaient un moyen de prendre part à ce premier exode.

Mishna : « Dans chaque génération, chaque homme doit se considérer comme si lui-même était sorti d’Egypte, et c’est pourquoi nous rendons grâces.. » (Pesahim 10)

Maintenant, avec ça en tête regardons la vie de Jésus :

Son baptême : « traversée » du Jourdain. Dernière fois que quelqu’un sort du Jourdain : l’exode d’Egypte avec Josué et les tribus. L’eau s’écarte sur leur passage. Quand Jésus rentre dans le Jourdain, qu’est-ce qui s’écarte ? Le ciel. Parce que le nouvel exode ne va pas vers une terre promise terrestre mais céleste.

Comme Moïse, il jeune 40 jours dans le désert.

Jésus réunit 12 apôtres, pour représenter les 12 tribus. Il restaure le peuple de Dieu.

Il va dans le désert, et il nourrit des milliers de gens avec un pain miraculeux.

Il dit par ces gestes « Je suis le nouveau Moïse ».

D’ailleurs à un moment Jésus est avec Moïse. cf Luc 9,28-31 :

« Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. »

Jésus parle de son « départ » : le mot grec utilisé ici est exodos, exode !

Le signe le plus clair : son dernier geste : il institue une nouvelle pâque pour le nouvel exode.

Il suit la liturgie pascale, le repas avait Pain sans levain, herbes amères, et le repas est structuré autour de 4 coupes de vin. Et au moment de la troisième coupe Jésus institue la nouvelle alliance.

On sait que c’est la troisième parce qu’après les disciples chantent le grand hillel – qui intervient entre la 3eme et 4eme coupe – et Jésus dit « je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. (Mat 26,28 et 29).

Ca veut dire quoi « dans le royaume de mon Père » ?

Effectivement Matt 27, 34 : « Ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel; mais, quand il l’eut goûté, il ne voulut pas boire. »

Mais plus tard, Jésus boit du vin. Jean 19 28-30 :

Après cela, Jésus, qui savait que tout était déjà consommé, dit, afin que l’Ecriture fût accomplie: J’ai soif. [On peut douter du fait que ce soit la première fois qu’il a soif]

Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et, l’ayant fixée à une branche d’hysope, ils l’approchèrent de sa bouche. |est-ce que l’hysope vous rappelle quelque chose ?]

Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l’esprit

Quand Jésus dit « tout est accompli » il parle de quoi ?

Sur la croix, Jésus finit le repas pascal. Le repas pascal englobe la croix. Et l’agneau qui est sacrifié pour le nouveau repas pascal, c’est Jésus. Les os ne sont pas cassés => l’agneau devait être sans tache ni défaut. Et Jésus est à la fois l’agneau, et le sacrificateur. Dans Jean 19,23 on nous dit que sa tunique était faite d’un seul tissu. Autrement dit Jésus portait les habits sacerdotaux.

Jésus parle de son sang qui est versé, et de faire ça en mémoire de lui. Mais n’importe quel juif saurait que ces gestes-là (verser le sang) sont des gestes réservés aux prêtres. Autrement dit Jésus institue un nouveau sacerdoce.

Jésus transforme la pâque

  1. nouveaux prêtres (Jésus et les apôtres). Même si le mot prêtre n’apparait pas
  2. nouvel agneau : Jésus
  3. nouveau sacrifice : apparait sous la forme de pain sans levain et de vin

Il crée une nouvelle Pâque pour un nouvel exode. Pourquoi alors les juifs croyaient-ils à la présence réelle ? Justement parce qu’ils savaient que l’Eucharistie était une nouvelle Pâque ! Plusieurs choses en découlent :

  1. L’Eucharistie est une participation, à travers les âges, comme la Pâque juive.
  2. Si l’Eucharistie est la nouvelle Pâque, il faut manger l’agneau. La pâque n’est pas complétée par la mort de l’agneau mais par le fait de le manger. C’est pour cela que nous ne croyons pas qu’il ne s’agit que d’un symbole. Cf. 1 Co 5,7-8 : «  Christ, notre Agneau Pascal, a été immolé. Célébrons donc la fête ! » Quelle fête ? La pâque de la nouvelle alliance

II. La manne

Si Jésus est le messie, et qu’il inaugure un nouvel exode, quelle nourriture nous donne-t-il pour la route vers la nouvelle terre promis ?

La Nouvelle Manne. Cf. Ex 16. Dans Ex 15 Dieu libère son peuple et passe la mer rouge. Les égyptiens prennent un bain. C’est la teuf. Cantique de moise et Myriam. Reconnaissance. Juste après, premier verset du chapitre 16, ça râle. (on ferait pas ça, nous, ça c’est les israélites).

C’était mieux avant, on va mourir de faim. En Egypte au moins on mangeait bien.

(// notre vie spirituelle, Dieu nous bénit, on râle)

Au lieu de les punir Dieu leur donne quelque chose : « L’Eternel dit à Moïse: Voici, je ferai pleuvoir pour vous du pain, du haut des cieux. » le matin, et le soir il donne des cailles, il y a donc du pain venu du ciel, et de la chair venue du ciel.

Cette manne « avait le goût d’un gâteau au miel. » (Ex 16, 31)

Pourquoi le miel ? => Où vont-ils ? vers une terre ou coule le lait et… le miel. La manne est un avant-goût de la terre promise. C’est une promesse. Faites-moi confiance.

Ps 78, 23-25 : « Il fit pleuvoir sur eux la manne pour nourriture, Il leur donna le blé du ciel. Il leur donna le pain des anges ». (Panis Angelicus)

C’est un pain miraculeux, surnaturel

En hébreux, le mot pour « qu’est-ce que c’est », c’est « MAN-HOU ».

C’est de la que vient le mot « manne ». Le nom du pain c’est « qu’est-ce que c’est ? » Ils n’avaient jamais rien vu de tel. Cette question traverse les siècles : Quel est ce pain ?

C’était un pain surnaturel, alors ils le préservent : “Ex 16, 33 : Prends un vase, mets-y de la manne et dépose-le devant l’Eternel.”

Donc ils mettent la manne dans un récipient en or, et le mettent dans le tabernacle.

Ca vous rappelle quelque chose ?

Pourquoi est-ce qu’on prend le pain de l’eucharistie, et qu’on le préserve dans le tabernacle ? Ca nous vient des juifs. C’est comme ça qu’on traite du pain surnaturel !

C’est un rappel de l’amour de Dieu.

Cf Heb 9,6

Il y a une tradition juive qui existait au temps de Jésus. Ce n’était pas seulement le pain de l’exode d’Egypte, il y avait un attente, que quand le Messie viendrait, parce qu’il allait lancer un nouvel exode, il allait aussi ramener le miracle d’une manne venue du ciel.

2 Baruch 29,2-3 (non canonique) dit « le Messie sera révélé. [..] Et il adviendra qu’au même moment le trésor de la manne descendra de nouveau d’en haut. »

Ou est-ce qu’on voit un miracle quotidien du pain descendu du ciel ? C’est le plus grand miracle qui soit.

Revenons voir Jésus.

Est-ce qu’il parle de cette espérance d’une nouvelle manne venue du ciel ?

Oui, à deux reprises

  • Jean 6
  • Le Notre Père

On connait tous le Notre Père. Mais est-ce que vous avez remarqué qu’il y a une demande avec une répétition un peu bizarre : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » On demande quoi ?

Dans un sens, c’est une demande matérielle simple, et valable. On se remet à la providence divine pour nos besoins quotidiens. Mais pour un juif du premier siècle, le « pain de chaque jour » rappelle la manne. Et pas seulement à cause du côté « providence quotidienne ». Si on regarde le Notre Père en grec, le mot pour « quotidien » est « epi/ousios ». C’est un mot mystérieux parce qu’il n’apparaît qu’une seule fois dans toute la littérature grecque : ici, dans la prière du Notre Père.

Donc il n’y a pas d’utilisation parallèle pour éclairer.

Si on regarde l’étymologie :

  1. epi : préfixe qui signifie « sur » ou « au dessus »
  2. ousios : racine qui nous a donné « substance », « être » ou « nature »

Ce n’est pas compliqué de voir comment St Jerôme, si on regarde l’etymologie, est arrivé à traduire ça dans la Vulgate « super-substantialem », notre pain « sur-substanciel ». Ca vous rappelle quelque chose ? Le miracle de la trans-substantiation.

Donne nous aujourd’hui notre pain “sur-naturel”.

Quel est ce pain à la fois quotidien et surnaturel ? La manne ! La prière du Notre Père n’est pas seulement une demande pour nos besoins naturels/terrestres, mais aussi pour nos besoins spirituels/célestes. C’est une demande pour l’Eucharistie, pour le pain de la route.

L’Eucharistie est la nouvelle manne. « Donne nous la nouvelle manne du nouveau messie. »

CEC 2837 : « Pris à la lettre (épiousios : ” sur-essentiel “), il désigne directement le Pain de Vie, le Corps du Christ, ” remède d’immortalité ” (S. Ignace d’Antioche) sans lequel nous n’avons pas la Vie en nous (cf. Jn 6, 53-56). Enfin, lié au précédent, le sens céleste est évident : ” ce Jour ” est celui du Seigneur, celui du Festin du Royaume, anticipé dans l’Eucharistie qui est déjà l’avant-goût du Royaume qui vient. »

Deuxième fois : discours sur le pain de Vie (Jean 6)

Alors. Déjà juste avant de commencer v4 : « Or, la Pâque était proche, la fête des Juifs. »

Puis la scène de où Jésus multiplie le pain et les poissons.

v11. Jésus prit les pains, rendit grâces. Vous savez ce que veut dire Eucharistie ? Action de Grâces.

Les gens viennent chercher Jésus, et ils lui demandent un miracle.

v48-51, Jésus leur répond qu’ils cherchent non pas un miracle, mais à être nourris

Je suis le pain de vie.

 Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts.

C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point.

 Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai pour la vie du monde, c’est ma chair.

Là-dessus, les Juifs disputaient entre eux, disant: Comment peut-il nous donner sa chair à manger?

Et c’est une bonne question ! Et donc là Jésus répond : « En vérité, en vérité, je vous le dit : t’inquiète, c’était juste une métaphore. » Ah non. Il dit (53-55) :

En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes.

Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour.

Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.

Est-ce que Jésus tempère ses propos ? Non. Il persiste et signe. Il insiste. Il rend les mots plus explicites. Plus concrets.

v58. C’est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n’en est pas comme de vos pères qui ont mangé la manne et qui sont morts : celui qui mange ce pain vivra éternellement.

Jésus ouvre et ferme sa discussion par une référence à la manne. Il se présente comme la nouvelle manne.

Les disciples s’inquiètent et murmurent: « Cette parole est dure, qui peut l’écouter ? »

Jésus, leur dit: Cela vous scandalise-t-il ? Et si vous voyez le Fils de l’homme monter où il était auparavant ?…

(Jean 6,60-62)

Revenons en à notre première question : pourquoi les premiers chrétiens ont-ils accepté la Présence Réelle sans sourciller ?

Très simplement : Ils n’ont pas seulement compris que l’Eucharistie était la Nouvelle Pâque. Ils ont aussi compris que c’était la Nouvelle Manne.

La Présence Réelle est une conséquence logique de ça, de deux façons :

  1. Si l’Eucharistie est la nouvelle manne, alors cela signifie que c’est du pain surnaturel venu du ciel, rien de moins. Pourquoi ? Parce que si la nouvelle manne n’était qu’un symbole, qu’un mémorial, alors elle serait inférieure à la première manne. L’ancienne manne était un pain miraculeux venu du ciel. La nouvelle manne doit au moins être un pain miraculeux venu du ciel.
  2. Si l’Eucharistie vient du ciel, ça signifie que c’est son corps crucifié et ressuscité que Jésus nous donne. Qui nous vient du ciel. Jésus y fait référence quand il dit « et si vous voyiez le fils de l’Homme monter ou il était auparavant ? » donc au ciel. Il leur dit, il faut considérer mon corps ressuscité et glorifié pour comprendre comment c’est possible. Il ne parle pas de cannibalisme, il parle de leur donner son corps ressuscité sous la forme du pain et du vin. Et dans son corps ressuscité, il peut le faire ! On voit, dans les récits de ce qui se passe après la résurrection, que Jésus peut apparaître là où il veut, que son corps n’est pas contraint par la distance ou le temps. Il peut se cacher, comme il le fait sur la route d’Emmaüs ou avec Marie-Madeleine dans le jardin.

Et c’est comme ça que le sacrifice de la croix est présent et présenté à la messe. Parce que ce n’est pas que la croix, mais la Crucifixion et Pâques. Et ce corps glorifié est au delà du temps. Quand Jésus monte au ciel il quitte la terre mais il quitte aussi notre temps. Et du ciel il se déverse, sur chaque autel, dans chaque lieu et dans chaque temps. Tout comme la manne, venue du ciel. C’est son corps crucifié et glorifié qui fait le lien entre le moment de la Croix, et aujourd’hui.

III. Le nouveau Pain de la Présence

Un dernier point : la « pain de la présence ».

Dans l’Exode, le culte rendu à Dieu était centré sur le tabernacle, une tente transportable. Qui est en suite remplacé par le temple de Salomon.

Et souvent on connaît ce tabernacle, mais on n’a pas forcément conscience de ce qu’il y avait dedans.

Une des choses les plus importantes dedans, c’était Le Pain de la Présence. Le terme Hébreux c’est lechem ha Pānīm. Lechem = pain, Panim = présence C’est décrit dans Exode 25 : Juste après avoir donné les 10 commandements, la première chose que Dieu fait c’est enseigner à son peuple comment l’adorer.

Donc il décrit précisément comment construire son tabernacle. C’est hyper précis mais pas forcément passionnant, on dirait un manuel Ikea. Enfin avec plus de mots.

Et Dieu commande à Moïse de placer 3 symboles clef de sa présence dans le tabernacle :

  • l’arche de l’alliance : si vous avez vu le film d’Indiana Jones vous voyez comment c’est : une grande boite couverte d’or avec des longs poteaux en bois pour le porter, et deux statues d’anges dessus
  • chandelier doré : une mennorah avec 7 branches, 7 langues de feu
  • table dorée sur laquelle était placé le pain de la présence.

Décrit aussi dans Hébreux 9,1-3 :

« La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre. Un tabernacle fut, en effet, construit. Dans la partie antérieure, appelée le lieu saint, étaient le chandelier, la table, et les pains de proposition. Derrière le second voile se trouvait la partie du tabernacle appelée le saint des saints, »

Au passage : Il n’y a rien qui vous frappe là dedans ? 3 symboles : L’arche du Dieu invisible, du Père. La mennorah avec 7 langues de Feu. Les pains de la présence.

Ces 3 symboles vous font penser à quoi ?

A la Trinité. Le mystère de la Trinité caché dans le tabernacle.

Revenons au pain de la présence.

cf. Lev 24 « Tu prendras de la fleur de farine, et tu en feras douze gâteaux. […] Tu les placeras en deux piles, six par pile, sur la table d’or pur devant l’Éternel. Tu mettras de l’encens pur sur chaque pile, et il sera sur le pain comme souvenir, comme une offrande consumée par le feu devant l’Éternel.  Chaque jour de sabbat, on rangera ces pains devant l’Éternel, continuellement: c’est une alliance perpétuelle qu’observeront les enfants d’Israël.  […] C’est une loi perpétuelle.

Le pain de la présence est décrit plus précisément dans Lévitique 24 :

  • 12 pains sans levain. Qui signifient ? = les 12 tribus d’Israel
  • C’était offert en sacrifice par les prêtres d’Israël. Ce n’était pas que du pain, c’était un sacrifice.
  • C’était offert chaque Sabbat
  • Ce sacrifice devait être présenté en permanence à Dieu. C’est décrit comme une « alliance perpétuelle », éternelle
  • La flamme de la menorah devait être allumée en permanence
  • C’était un sacrifice de pain et de vin (exode 25,29 : « ses calices et ses tasses, pour servir aux libations, et tu mettras le Pain de la Présence devant moi en tout temps ». Les libation, les offrandes de boisson, c’est pas du coca, c’est du vin
  • Et la table de présentation avait des anneaux et des barres, pour qu’elle puisse être portée.

Il y a deux façon de traduire lechem ha Pānīm : Pain de la Présence, ou Pain de la Face. Panim peut signifier « Face ». La Face de qui ? La Face de Dieu.

Le Pain est vu comme un signe visible de la présence de Dieu.

Et il y a une tradition qui s’est développée autour du Pain de la Présence. On ne trouve pas cette tradition dans l’AT mais dans les écrits des Rabbins de l’Antiquité.

A l’époque de Jésus, quand les Juifs allaient au temple, il y avait une coutume particulière. Tout le peuple juif se réunissait dans le temple à Jérusalem, parce qu’à Pâques, le prêtre faisait quelque chose de très particulier.

Il sortait un élément du Saint des Saints, où seul le prêtre pouvait pénétrer. Et il montrait cet élément au peuple. Et vous savez ce qu’il sortait ?

Ni l’arche, ni la mennorah. C’était le pain de la présence.

Selon ce qui était écrit dans le Talmud, le pain de la présence sur la table dorée était présenté au peuple.

(On voit d’ailleurs que dans Exode 25, 27-28 que la table était construite pour être portée, avec des anneaux sur le côté et des barres d’accacia couvertes d’or qui « serviront à porter la table.)

Et les prêtres levaient la table avec le pain de la présence pour que tout le monde puisse le voir.

Et le prêtre dit au peuple, à ce moment-là : « Voici l’amour de Dieu pour vous. »

Cf. Talmud Babylonien, Menahoth 29a

(c’était présenté à la Pâque, à la Pentecôte et à la fête des Tentes)

C’est quand la dernière fois que vous avez vu le pain de la présence levé pour vous ?

Quand vous êtes venus au véritable Temple, du véritable Agneau et de la véritable Manne, à la messe.

Quand le prêtre lève le pain consacré, il accomplit et perpétue ce qui avait été préparé dans l’AT.

Il lève le pain pour nous montrer l’amour de Dieu qui a pris chair pour nous.

L’auteur de l’épitre des Hévreux en parle. Il dit de Jésus : « Tu es sacrificateur pour toujours Selon l’ordre de Melchisédek. »

Héb 7 1-3 : « En effet, ce Melchisédek, roi de Salem, sacrificateur du Dieu Très Haut, -qui alla au-devant d’Abraham lorsqu’il revenait de la défaite des rois, qui le bénit, et à qui Abraham donna la dîme de tout, -qui est d’abord roi de justice, d’après la signification de son nom, ensuite roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix, – qui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement de jours ni fin de vie, -mais qui est rendu semblable au Fils de Dieu, -ce Melchisédek demeure sacrificateur à perpétuité. »

C’est une théophanie

Hebreux fait référence à Psaumes 110:4 : L’Éternel l’a juré, et il ne s’en repentira point: Tu es sacrificateur pour toujours, A la manière de Melchisédek.

Quel sacrifice Melchisédek présente-t-il ?

Genèse 14:18 : Melchisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin car il était sacrificateur du Dieu Très Haut.

[Dans une tradition juive, c’est Melchisédech qui institue le sacrifice du pain de la présence.]

Jésus référence le pain de la présence dans Matt 12 ; 1-6 :

En ce temps-là, un jour de sabbat, Jésus vint à passer à travers les champs de blé ; ses disciples eurent faim et ils se mirent à arracher des épis et à les manger. Voyant cela, les pharisiens lui dirent : « Voilà que tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat ! » Mais il leur dit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David, quand il eut faim, lui et ceux qui l’accompagnaient ? Il entra dans la maison de Dieu, et ils mangèrent les pains de la présence ; or, ni lui ni les autres n’avaient le droit d’en manger, mais seulement les prêtres. Ou bien encore, n’avez-vous pas lu dans la Loi que le jour du sabbat, les prêtres, dans le Temple, manquent au repos du sabbat sans commettre de faute ? Or, je vous le dis : il y a ici plus grand que le Temple.

  • David était prêtre selon l’ordre de Mélchisédech (ainsi que ses fils, cf Samuel 8,18, et Jésus est un descendant de David) et Jésus « se met » à la place de David.
  • « Ou bien encore » : les prêtres ne portaient pas atteinte au sabbat, donc, dit Jésus, ses disciples non plus. Jésus fait de ses disciples de nouveaux prêtres

Jésus institue un nouvel exode, un nouveau sacerdoce, un nouveau pain de la présence, et un nouveau Temple. Le temple était le lieu de la présence de Dieu sur terre. Qu’est-ce qui peut être plus grand que ça ? Il n’y a que Dieu lui-même. Jésus déclare sa divinité.

Parallèles entre pain de la présence et eucharistie

12 pains pour les 12 tribus 12 disciples pour les 12 tribus
Pain et vin de la présence/face de Dieu Pain et vin de la présence de Jésus
Une alliance éternelle Une nouvelle alliance
En mémoire Faites ceci en mémoire de moi
Offert par le grand prêtre et mangé par les prêtres Offert par Jésus et mangé par les apôtres

 

Si l’Eucharistie est non seulement la Nouvelle Pâque, la Nouvelle Manne, mais aussi le Nouveau Pain de la présence, alors :

  • Ce n’est pas juste une présence symbolisée, mais une présence plus complète, plus… réelle. D’ou Jésus prend il l’idée du pain et du vin comme exprimant une présence ? Ca vient du Pain de la Présence
  • Jésus prolonge et accomplit et renouvelle l’alliance éternelle dont étaient signes le pain et le vin de la présence, et il nous donne un nouveau Temple, le temps de son corps

Qu’avons-nous vu ?

J’espère que vous avez pu percevoir comment, même si parfois on oppose la foi chrétienne et la foi juive, au contraire c’est précisément la foi juive des premiers chrétiens qui les a amenés à la foi dans la présence réelle, dans le fait que ce soit réellement le Corps et le Sang, l’âme et la divinité de Jésus qui sont présents sous la forme du pain et du vin.

Parce que ce que nous recevons à chaque messe,

  • C’est la chair de l’agneau pascal qui a donné sa vie pour nous libérer des chaines de l’esclavage du péché, dans le sacrifice de la croix auquel nous assistons à chaque messe. Tout comme les juifs peuvent dire « Je suis sorti d’Egypte » je peux dire « j’ai été libéré par l’amour de Dieu pour moi à la croix » non seulement d’une mort physique, mais d’une mort spirituelle. Voici ce que Dieu a fait pour moi.
  • Ce pain est la nouvelle manne que Jésus nous donne pour notre route vers la nouvelle Jérusalem, le ciel, car c’est un avant-goût de la résurrection, non seulement de l’âme mais du corps, parce que nous goûtons un corps ressuscité. Voici la promesse que Dieu me fait de ce qu’il va faire pour moi.
  • Ce pain est une alliance éternelle signifié par un repas de pain et de vin qui fait de nous une famille, un peuple, une nouvelle Israël, et qui est le pain de la présence réelle de Jésus, pour nous, aujourd’hui, dans notre quotidien. Notre pain de ce jour.

Et nous sommes encore dans le désert, en route vers la Jérusalem céleste. Et chaque jour il nous dit « Aies confiance. Je suis avec toi. Je te ramène à la maison. »

Parce qu’un jour, quand le nouvel exode sera complet, et que même la nouvelle manne aura cessé, nous verrons toutes ces choses clairement. Non plus caché dans le pain et le vin, non plus à travers un voile. Mais ce jour-là nous le verrons et le connaîtrons, tel qu’Il est.

Face-à-face.

 


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